Try to remembre...
Je mappelle Joào. Je suis Brésilien. Enfin, je crois
Tout se Mélange dans ma tête, maintenant.
Nous sommes des milliers, des millions. Tous enfermés dans ce gigantesque hangar, si parfaitement rectangulaire qu'on l'appelle « le paquet ». Pas de lumière, pas deau, rien. Dans ces conditions, on perd vite tout rapport à la réalité.
Pourtant, ma jeunesse, je men souviens bien, encore.
Nous avions une vie tranquille, dans une plantation de létat de Botafogo. Oh, bien évidemment, ça nétait pas le luxe
Mais au moins, nous étions au grand air. Le soleil, la nature, les soins gratuits et réguliers
et la liberté. Tout ça nous aidait à affronter le quotidien avec courage. Brassés par lair chaud et la samba.
Desormais, cest plutot la soledad et le froid, notre quotidien.
Je men souviens comme si cétait hier. Lhomme blanc est arrivé avec ses machines et nous navons rien pu faire. Il sappelait Vabre. Il a séparé les familles, et nous a fait subir un traitement horrible, broyant toute résistance.
Depuis, Zé Pinto, un compagnon de galère, a coutume de dire : « Il ne peut plus rien nous arriver, mantenant que nous avons survécu à ça : nous sommes moulus ! ». Personnellement, je doute quil ait raison.
A cadence régulière, quelquun ouvre notre prison : une grande trappe située là-haut, tout là-haut, coulisse doucement. Mais elle est hors datteinte. Et puis, tout le container bascule dans un boucan du diable. Des dizaines de mes semblables sont emportés à chaque fois. Vers où ?
Pour les autres, une fois les portes refermées, lattente recommence, insupportable. Le vieux Zé Élias prétend que ceux qui partent, on les met dans une machine qui vole leur substance. Mais plus personne nécoute le vieux Zé Élias. De toute façon, quimporte ? Nous ne savons même pas ce quil en est de nous, « ceux qui restent », alors
Il y a peu, la cohue aidant, je me suis retrouvé à côté dune fillette et de sa mère, complètement paniquées, qui saccrochaient lune à lautre pour ne pas être séparées. La petite a demandé : « Maman
Cest parce quon est noirs quils nous traitent comme ça ? » Sa mère lui a répondu que non, mais je sais bien que notre couleur est importante. Notre couleur, et notre odeur, notre taille
Nous avons soigneusement été sélectionnés. Pour le pire.
Aujourdhui, jai comme une intuition. Ces mon jour, je le sais. A chaque bascule, il est de plus en plus dur de résister. Dautant plus que nous navons pas de raison de le faire.
Ça y est. Dans un froissement sinistre, le « paquet » sest à nouveau ouvert, ce matin. Je me sens glisser, je me laisse glisser. Tout près, jentends Zé Élias qui hurle, lugubre : « Le jugement ! Cest le jugement ! Nous allons tous passer ! ». Et nous tombons.
Nous sommes prisonniers dun grand cône. Les parois semblent recouvertes dune fine couche de papier, mais le ciel est ouvert. Là haut, tout là haut, une espèce de robinet gargouille depuis quelques secondes. Tout le monde parle, hurle, crie, murmure, mais personne ne bouge.
Et soudain, le robinet crache. De leau chaude ! Les salauds ! En quelques secondes nous sommes tous submergés et ébouillantés. Je surnage quelques instants, mais je sens rapidement ma substance mabandonner. Il faut que je résiste ! Il faut que je résiste ! Il faut
Zé Élias avait raison, finalement. Nous allons tous passer.
Chéri ?
Mmmmoui ?
Tu devrais penser à faire un bon détartrage. Il met des heures à passer, ce matin, le café !
Demain, on sera le 20/08, et Gisèle et moi ON SE CASSE EN WEEK-END DE 3 JOURS ! ! ! Hi-ha !