Try to remembre...

Publié le par Maurin

Ce matin, en arrivant au boulot, j’ai écrit une petite histoire dans le métro. Ça parle de peuples opprimés et de petit déjeuner.


Je m’appelle Joào. Je suis Brésilien. Enfin, je crois…
Tout se Mélange dans ma tête, maintenant.

Nous sommes des milliers, des millions. Tous enfermés dans ce gigantesque hangar, si parfaitement rectangulaire qu'on l'appelle « le paquet ». Pas de lumière, pas d’eau, rien. Dans ces conditions, on perd vite tout rapport à la réalité.
Pourtant, ma jeunesse, je m’en souviens bien, encore.
Nous avions une vie tranquille, dans une plantation de l’état de Botafogo. Oh, bien évidemment, ça n’était pas le luxe… Mais au moins, nous étions au grand air. Le soleil, la nature, les soins gratuits et réguliers… et la liberté. Tout ça nous aidait à affronter le quotidien avec courage. Brassés par l’air chaud et la samba.

Desormais, c’est plutot la soledad et le froid, notre quotidien.

Je m’en souviens comme si c’était hier. L’homme blanc est arrivé avec ses machines et nous n’avons rien pu faire. Il s’appelait Vabre. Il a séparé les familles, et nous a fait subir un traitement horrible, broyant toute résistance.
Depuis, Zé Pinto, un compagnon de galère, a coutume de dire : « Il ne peut plus rien nous arriver, mantenant que nous avons survécu à “ça” : nous sommes moulus ! ». Personnellement, je doute qu’il ait raison.

A cadence régulière, quelqu’un ouvre notre prison : une grande trappe située là-haut, tout là-haut, coulisse doucement. Mais elle est hors d’atteinte. Et puis, tout le container bascule dans un boucan du diable. Des dizaines de mes semblables sont emportés à chaque fois. Vers où ?

Pour les autres, une fois les portes refermées, l’attente recommence, insupportable. Le vieux Zé Élias prétend que ceux qui partent, on les met dans une machine qui vole leur substance. Mais plus personne n’écoute le vieux Zé Élias. De toute façon, qu’importe ? Nous ne savons même pas ce qu’il en est de nous, « ceux qui restent », alors…

Il y a peu, la cohue aidant, je me suis retrouvé à côté d’une fillette et de sa mère, complètement paniquées, qui s’accrochaient l’une à l’autre pour ne pas être séparées. La petite a demandé : « Maman… C’est parce qu’on est noirs qu’ils nous traitent comme ça ? » Sa mère lui a répondu que non, mais je sais bien que notre couleur est importante. Notre couleur, et notre odeur, notre taille… Nous avons soigneusement été sélectionnés. Pour le pire.

Aujourd’hui, j’ai comme une intuition. C’es mon jour, je le sais. A chaque bascule, il est de plus en plus dur de résister. D’autant plus que nous n’avons pas de raison de le faire.
Ça y est. Dans un froissement sinistre, le « paquet » s’est à nouveau ouvert, ce matin. Je me sens glisser, je me laisse glisser. Tout près, j’entends Zé Élias qui hurle, lugubre : « Le jugement ! C’est le jugement ! Nous allons tous passer ! ». Et nous tombons.

Nous sommes prisonniers d’un grand cône. Les parois semblent recouvertes d’une fine couche de papier, mais le ciel est ouvert. Là haut, tout là haut, une espèce de robinet gargouille depuis quelques secondes. Tout le monde parle, hurle, crie, murmure, mais personne ne bouge.
Et soudain, le robinet crache. De l’eau chaude ! Les salauds ! En quelques secondes nous sommes tous submergés et ébouillantés. Je surnage quelques instants, mais je sens rapidement ma substance m’abandonner. Il faut que je résiste ! Il faut que je résiste ! Il faut…
Zé Élias avait raison, finalement. Nous allons tous passer.


– Chéri ?
– Mmmmoui ?
– Tu devrais penser à faire un bon détartrage. Il met des heures à passer, ce matin, le café !



Demain, on sera le 20/08, et Gisèle et moi ON SE CASSE EN WEEK-END DE 3 JOURS ! ! ! Hi-ha !

Publié dans enarrivantauboulot

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V
Bon ben quoi dire a part que je suis fan.
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M
Vabre! Diantre encore un coup de Raffarin!
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F
ET "DUCON", T'ÉCRIS çA COMMENT, VOLK'?
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F
"Nacelles", plutôt.
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G
Je m'apprêtais à te faire une réponse incendiaire sur le fait que vraiment parler de l'immigration clandestine sur le ton de la blague dans un blog, je trouvais ça de très mauvais goût (c'est mon côté catho de gauche premier degré). En lisant la chute que je n'avais pas devinée (c'est mon côté catho de... toujours la même chose quoi), je t'incendie vraiment parce que désormais, je ne pourrai plus me faire un café - ma boisson préférée après la bière (mon coté catho. Ah non, là, c'est mon coté nordiste) sans entendre ces petits grains crier leur calvaire comme les pauvres petits humains prissonniers des nasselles des monstres dans la guerre des mondes. Je suis colère Nicolas, vraiment colère!
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