L'Île aux Singes (4/?)

Publié le par Maurin

Ce matin, en arrivant au boulot, la suite de l'Île aux Singes.
Je trouve vos commentaires de plus en plus pertinents, même si de moins en mons nombreux. Félicitations, et merci encore.
Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que l'épisode précédent était un peu trop chargé, un peu trop plombant, même si je pense qu'il est intéressant pour des jeunes d'en apprendre sur le handicap en général, et ses contraintes quotidiennes en particulier. Quand je reprendrai le texte complet, j'allègerai le passage.
Et puis j'ai compris un truc, qui me paraît très important (vous allez vous moquer, car c'est tout de même le B-A-BA, mais bon...). En fait, il faut que j'arrête de surécrire les scènes (genre, un Jonathan qui réfléchit et comprend tout, ça n'est effectivement pas crédible), et que j'aie plus recours aux péripéties et aux dialogues pour creuser à la fois le récit et la psychologie des personnages. Faire percevoir, et pas écrire, tel est mon défi.
C'est ce que j'ai essayé de faire cette fois, et ce que je ferai plus radicalement dans le prochain épisode. Suspense, horreur, cris et grincements de roues au programme.

Bon week-end, bande de moules !



- Tu veux faire QUOI ?
Freddy a presque crié sa question. Le prof de maths se retourne aussitôt :
- Monsieur M’balla ! Les bissectrices n’ont plus aucun secret pour vous ? Bien ! Alors vous allez pouvoir venir nous en tracer une au tableau !
Juste à ce moment, la sonnerie retentit et Freddy pousse un soupir de soulagement. Sauvé par le gong ! Puis, il se tourne vers moi, le regard incrédule.
- Je vais monter sur l’Île au Singes, je répète. Pour prouver à monsieur Jean que je suis tout à fait capable d’y arriver. Je vais me prendre en photo là-haut, et puis je lui apporterai, et comme ça, il sera bien obligé d’accepter notre pique-nique.
Freddy se lève de sa chaise et commence à ranger ses affaires. Il a l’air franchement embêté. Finalement, il me dit :
- Mais... Tu crois pas que tu risques d’avoir un peu de mal, pour monter là-haut ?
- Si, bien sûr, je lui lance du tac au tac. C’est pour ça que tu vas m’aider !
Freddy sursaute, et la trousse qu’il avait dans ses mais atterrit sur le sol de la classe. Il y a des stylos partout, et sa gomme roule jusqu’à l’estrade.
- QUOI ? Ah ben, je te remercie de me prévenir !
Il se met à quatre pattes en grommelant, et entreprend de ramasser tous ses crayons. Pendant ce temps, je range mon cahier dans mon sac et je m’écarte de la table en poussant sur les roues de mon fauteuil.
- Bon, très bien, je lance. Tu n’as pas l’air enthousiaste, je vais me débrouiller tout seul, c’est tout. Moi qui croyais que t’étais un pote.
- Attends, attends ! C’est bon, on va y aller, sur l’Île. Ça sera le grand retour de Barbe-Verte-le-Terrible, ça va être bien ! il conclut, avec une voix faussement enjouée.
- Parfait, t’es au top ! je souris, et, mon sac sur les genoux, je sors de la classe.
Tous les autres élèves sont déjà en rang devant la salle de français, qui est un peu plus loin, du même côté du couloir. Je vais me mettre au bout de la file, et hop, d’un grand coup du bras droit, je fais faire demi-tour au fauteuil. Je commence à l’avoir en main, cet engin !
Freddy me rejoint quelques instants plus tard, un peu essoufflé, le sac à dos ouvert et sa trousse dans les mains.
- Ça soûle, j’ai pas réussi à retrouver ma gomme ! Bon… Et tu veux qu’on y aille quand, sur l’Île ?
Avant de répondre, je lui tends sa gomme, que j’avais ramassée en sortant du cours de maths. Il vaut mieux l’amadouer un peu, pour faire passer la pilule qui arrive. Il a l’air fou de joie :
- Oh, trop bien ! J’aurais été deg’ de l’avoir perdue ! T’as vu, y a Bob l’éponge dessus ! Jonathan, t’es vraiment un…
Je le coupe :
- Il faut qu’on y aille cette nuit…
Freddy manque de s’étrangler.
- ... ! Un MALADE ! T’es vraiment un malade ! Cette nuit ? Dans le noir ? Avec « la bête » qui rodera ?!! Alors là, pas question !!
La bête, c’est le surnom du chien du gardien du parc. Enfin… on n’est pas vraiment sûrs que c’est un chien, personne n’a jamais été assez fou pour essayer d’avoir confirmation. En fait, dès qu’on le voit, même de loin, on se tire vite fait. Il suffit de l’entendre aboyer pour comprendre qu’on ne fait pas le poids. C’est sûr, c’est risqué d’aller dans le parc de nuit.
- Écoute, Freddy… J’ai tout le temps mes parents sur le dos, ils ne me laissent rien faire tout seul. Si je leur en parle, ils refuseront que j’y aille, et dans la journée, ils veulent toujours savoir où je suis. J’ai bien réfléchi, on n’a pas le choix…
- On ?
- Oui, mec. Je vais jamais y arriver si tu m’aides pas. Allez, quoi…
- SILENCE, DANS LES RANGS !
Ça, c’est cette vieille peau de madame Lefèvre, notre prof de français. Elle est pas méchante, mais on dirait que le moindre bruit l’agresse, et qu’elle n’aime pas les enfants. Pourquoi elle a choisi de devenir prof, alors ça, je l’ignore. Toujours est-il qu’à chaque fois, elle attend que nous soyons tous parfaitement silencieux avant de nous faire entrer dans sa salle.
Je jette un coup d’œil à Freddy, qui a les yeux collés à ses chaussures. Ça réfléchit dur, là-dessous, on dirait. Et puis, alors qu’on commence à rentrer en cours, il me regarde soudain dans les yeux et fait non de la tête. Il a l’air très décidé.
Je vais me mettre au fond de la classe, tout seul à une table, le moral à zéro. Le cours commence, mais je n’ai pas du tout la tête à étudier. J’ai eu beau faire 100 longueurs de piscine, hier, je sais bien que mes bras ne sont pas assez musclés pour faire tourner les roues du fauteuil le long de la pente de l’Île aux Singes. Tout seul, je n’arriverai à rien. Et Freddy est mon meilleur pote. Si lui refuse de m’aider, personne d’autre ne le fera.
- Soudain, j’entends un « Psssst ! » à ma gauche. C’est Olivier, qui me balance un petit papier plié en mille morceaux. Je le déroule : il vient de Freddy…

Tu fais vraiment chier. Si je me fais bouffer à cause de toi, tu vas m’entendre… Bon. Rendez-vous à quelle heure, ce soir ?

Je suis tellement content que je ne peux pas m’empêcher de laisser échapper un petit “Yesss !” Malheureusement, il est encore trop fort pour les délicates oreilles de madame Lefèvre, qui me jette un regard de glace.
- Jonathan !, elle s’écrie. Je suis bien content que le texte que je suis en train de vous lire te plaise. Puisque tu aimes tant l’Odyssée d’Homère, tu vas continuer la lecture.
Évidemment, je n’ai même pas sorti mon livre de cours. Je suis bon pour un sacré savon. Mais mon regard se pose sur Freddy, tout sourire, qui semble me dire “Héhé, mon vieux… Chacun son tour !” et au lieu d’être mort de peur, je rigole intérieurement. Île aux Singes, me revoilà !

Publié dans enarrivantauboulot

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S
j'aime beaucoup le "M'bala". sinon ouai y'a moins de vocabulaire soutenu qui pourrait denoter avec l'age de Jonathan. les tournures de phrases  sont plus adaptée a celle d'un enfant. maintenant si tu veux Couby peut te filler des images d'enfants en fauteuil roulant pour que tu t'inspires.
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R
"Evidemment, je n'ai même pas sorti mon livre de cours. Je suis bon pour un sacré savon."<br />  <br /> Moi, j'aurai mis un petit "et" au milieu plutôt que de faire 2 phrases.<br /> J'trouve que ça casse le rythme un peu.<br /> Mais bon, c'est surtout pour dire quelque chose quoi, parce qu'à part ça  pour moi ça roule.
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B
ahahahah, la gomme Bob l'éponge, le vieux running gag...<br /> sinon c'est bien, continue...
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C
Belle histoire, c'est vrai que c'est mieux que la semaine derniere! Par contre je trouve que le vocabulaire employe ne correspond pas vraiment a des enfants (un peu trop soutenu peut etre).
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L
Et le billet est un peu long, trop bien ponctué, et n'a pas de fôtes d'orthographe, d'abréviation, etc... Encore une fois c'est juste un détail.
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